Anima

‘homme a soulevé la lourde tenture et fait un pas à l’intérieur. L’obscurité est retombée sur ses talons. Lorsque ses yeux se furent habitués à la pénombre, il les a vues: Elles sont toutes là, certaines immobiles, assises ou accroupies, d’autres engagées dans un lent mouvement de danse. Un voile cache leur visage. L’homme est resté dans l’ombre, fasciné, muet.

On entend le bruit monotone de gouttes qui tombent dans un bassin derrière d’autres tentures. Sortent-elles du bain ? Parfois, l’une s’approche de sa compagne, lui chuchote quelques mots d’une langue inconnue, puis le silence retombe. Pensez-vous qu’elles n’ont pas vu l’intrus ? Ne vous y trompez pas ! Remarquez leur pose un peu apprêtée qui évoque une mise en scène. Il n’y a pas de doute: elles savent qu’il est là – elles attendaient même sa venue de toute éternité.

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La mémoire du Monde

l était une fois un petit gaillard, râblé, au raz des mottes. Il apparut un jour, déboulant d’un talus, les poings serrés, poussant un grand cri jubilatoire, roulant dans l’herbe grasse et le soleil du matin.

Il se retrouva tout étourdi, louchant sur la terre rousse qui lui maculait le nez, poussiéreux, assis au milieu du chemin qui ne mène nulle part. « Gou ? » demanda-t-il. « Gou ? » répéta-t-il. Comme personne ne répondait, il se leva et commença de marcher. Tantôt, il empruntait le chemin doux sous ses pieds nus, shootant les cailloux, poursuivant un carabe, tantôt il se lançait le nez en avant et les mains écarquillées dans l’herbe qui lui chatouillait le menton, lui arrachant des rires à s’en dérouler les tripes.

Tout était donc parfait jusqu’à ce que vienne la première nuit.

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La Pierre d’Outard

ue me manquent ces files de processionnaires d’autrefois.

Lorsque les jours raccourcissent – pour autant que l’obscurité qui m’entoure aujourd’hui me laisse en juger -, je crois entendre au loin leurs chants. Ils sont tout d’abord entonnés la bouche fermée. Puis, une fois le ruisseau atteint et les ablutions terminées, le chant se déploie et la forêt résonne de leurs accents emplis d’espoir. Au fur et à mesure de leur ascension, je sens leur souffle qui se fait court car la pente est raide et le chemin direct.

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La Pierre du Mariage

n général, je la voyais pour la première fois par une belle soirée de la fin de l’été. Elle se tenait à quelque distance, dans le flamboiement du couchant, se tenant les mains, un peu gênée.

Elle finissait par s’approcher et m’adressait sa prière : « C’est la Jeanne qui m’a parlé de toi… S’il te plaît, fais que Jacques me demande en mariage. Je sais que c’est lui que je veux. C’est l’homme qu’il me faut. »

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