ue me manquent ces files de processionnaires d’autrefois.
Lorsque les jours raccourcissent – pour autant que l’obscurité qui m’entoure aujourd’hui me laisse en juger -, je crois entendre au loin leurs chants. Ils sont tout d’abord entonnés la bouche fermée. Puis, une fois le ruisseau atteint et les ablutions terminées, le chant se déploie et la forêt résonne de leurs accents emplis d’espoir. Au fur et à mesure de leur ascension, je sens leur souffle qui se fait court car la pente est raide et le chemin direct.
Je les vois alors : d’abord leurs têtes, rouges, toutes à l’effort de l’ascension, puis leurs robes grossières, d’un camaïeu de gris, de beige et de blanc. Ils allument un feu et forment le cercle des anciens. Parfois l’un d’entre eux manque qui n’a pas passé l’hiver déjà loin. Je les connais tous. Il sont d’abord venu comme enfants, pressés de découvrir en cachette ce lieu respecté entre tous. Je les ai vus ensuite grandir, devenir des hommes, se masser autour de moi pour les fêtes laïques. Mais aucune fête n’était aussi sacrée que cette procession des anciens du premier automne. Ces hommes que j’ai connus tout au long de leurs vies sont là, ils s’asseyent autour de moi, respectueux et attentifs.
Jamais au cours de l’année je n’ai autant conscience de mon rôle : témoin du cours du temps, ombilic de ce pays, représentant du Soleil sur cette terre. La présence de ces hommes m’éveille et renforce en moi la conscience de mon importance. Avant tout, je suis ici pour cet instant et mon énergie rayonne. Chacun au travers de moi est ainsi témoin de l’existence d’un centre du Monde et participe à son Mystère.
Plus tard, une fois la nuit tombée et le feu épuisé, les hommes repartent, silencieux et nourris de lumière. Ils reprendront le chemin de leur vie quotidienne, mieux préparés à affronter un nouvel hiver qui est long et glacial dans ces contrées.